Lors de nos nouvelles de début avril nous avions noté l’important déficit en eau de l’hiver 2021/2022 en France. Vous connaissez la suite. A la Boulinière, nous avons un ruisseau (le ruisseau du Fonteniou, du nom du château et d’une famille éponyme du 11 °siècle), un ruisseau jadis de 1° catégorie pour la pêche à la truite. Il se jette dans le Saumort (dont l’éthymologie pourrait signifier le « Saut du Maure », en mémoire d’une escarmouche, nous sommes en Bas Poitou), puis l’Autize, puis la Sèvre niortaise. J’avais vu ce ruisseau une seule fois coupé ,durant l’été 1976 (j’avais 11 ans et j’avais braconné une truite magnifique dans un trou d’eau de la rivière). Et cette année le ruisseau aussi s’est tari. Non pas à la source (à 1 KM en aval, mais après un étang qui sert de réserve pour l ’arrosage du maïs d'un voisin (en principe les flux sont séparés). En Deux-Sèvres, 1000 km de cours d’eau ont été asséchés cet été et le sont encore pour partie.
Nous avions de fait été bien inspirés l’été dernier de mettre en place un système d’irrigation provisoire pour notre dernier verger. Sans cela, nous aurions été bien en difficulté. Avec un seul arrosage hebdomadaire de 15 litres par pommier, nous avons pu terminer l’été sans encombre. L’approvisionnement est un puit profond creusé par mon père grâce à un sourcier au début des années 60. La cuve a donc plus de 60 ans et le système fonctionne toujours. Et le puit ne tarit jamais. Le puit de Jacob en quelque sorte. J’irrigue toutefois en 2 nuits successives, divisant la parcelle en deux. Cela représente donc 12 baignoires une fois par semaine. Et au passage nous irriguons un petit jardin qui a offert tomates, haricots verts et salades.
Dans le verger planté en février2019, la terre est plus profonde et l’enracinement était suffisant pour passer l’été. En revanche, même si nous n’attendions pas de premières récolte avant 2026 en raison de notre choix de la Slow Pomme, nous espérions quelques caisses de Reinettes car quelques pommiers étaient bien garnis. Là, comme dans tous les vergers amateurs de notre secteur, les oiseaux, surtout les pies et les corbeaux, se sont jetés sur les fruits, les frelons en quantité industrielle aussi. J’ai décidé de sauver ce qui pouvait l’être, récolté quelques kg de pommes à compote, et un petit cageot apporté à nos supporters nantais. Pour la Reinette Clochard, nous espérons que le sort sera un peu plus clément et que nous pourrons faire une micro cueillette de dégustation. Quelques attaques sont visibles, mais moins fréquentes et les buses sont présentes alors que je ne les avais presque pas vues de l’été.
Les arboriculteurs de notre région ont commencé de récolter. La récolte est plus faible, avec en sus un calibre et un taux de perte inhabituels. Un ami arboriculteur en bio à proximité, pourtant expérimenté, a une année blanche car il n'a pas vu assez tôt et pu contrôler une forte attaque d'anthonome qui devient un problème fréquent en vergers bio. Les conditions climatiques n’ont pas épargné les vergers industriels préoccupés par le niveau des prix anormalement bas ce qui est paradoxal. Mais les arboriculteurs du sud de la France bradent leurs récoltent en raison des taux de sucres élevés défavorables à la conservation. Les professionnels sont en outre très inquiets du coût à venir du stockage, car le refroidissement est fourni par des motorisations électriques. Ils peuvent être protégés par des contrats, mais dès qu’ils en sortent, le prix parait pouvoir être multiplié par 6. Du coup, l’énergie deviendrait le principal poste de charge avec la main-d’œuvre. Mais les clients pourront ils suivre ? Cela parait peu probable. Et la pomme est pourtant le second fruit consommé au monde après la banane.
Pour le secteur de l’agriculture en général, des tensions sont à craindre dans l’année. La nouvelle PAC, en place depuis janvier 2022 a surtout reconduit les dispositifs précédents. En2019, 74 % du revenu moyen des agriculteurs français en provenait, avec des secteurs plus consommateurs comme la viande bovine, 250 %. L’agriculture est peut-être le premier service public européen. Mais ces données, c’était avant la crise énergétique. Il y a de quoi s’inquiéter, vraiment. Il y a des anniversaires que l’on ne souhaite pas. Quoiqu’il en soit, en 2029 nos abonnés auront des pommes et une belle relation avec notre terroir de campagne. Si rien ne s’y oppose par ailleurs comme aime à le dire le Règlement Général de sécurité ferroviaire que j'ai pratiqué jadis.
En début d’été nos abonnés et quelques amis ont été consultés pour nous aider à améliorer notre offre. Le site que vous visitez maintenant tient compte des propositions : nous avons essayé de mieux matérialiser la dimension de co-construction du projet avec nos abonnés, de mieux exprimer notre désir de créer autour de lui des échanges avec des associations du secteur social et culturel, et enfin en proposant une offre d’abonnement à 5 €. Cela passe par des échanges, et le blog maintenant installé permettra d'en rendre compte.
Et cet été nous avons eu quelques visites qui nous ont fait grand plaisir, Claire et Grégoire, Julia et Timothée, Christine et Emmanuel. Pour une balade, et parfois un coup de main (installer des confuseurs sexuels anti-carpocapse [1]),ou un sérieux coups de mains (biner au pied des pommiers et y répandre une des tourteaux de ricin pour lutter contre les campagnols).Cela a été un rythme de travail tranquille, des instants de joie simple partagée et d’échanges amicaux.
Nous invitons nos abonnés à garder leur WE des 8 et 9 octobre pour venir voir les vergers. Si les circonstances ne nous obligent pas à récolter plus tôt les quelques Reinettes Clochards du verger, nous vous attendrons. Et sinon, nous goûterons ce qui aura pu être récolté.
A très bientôt à la Boulinière.
[1] Cydia pomonella, le carpocapse des pommes et des poires, est un lépidoptère de 18 mm d’envergure, dont la larve se développe à l’intérieur des fruits. Cette dernière trouve refuge dans différentes plantes hôtes comme l’abricotier, le noyer, et parfois le pêcher ou encore le prunier. En France, on estime que ce ravageur est responsable de 30 à 40% des traitements insecticides sur les fruits à pépins qui ne sont pas en bio donc.